Grand-Popo, centre névralgique du vaudou (vodoun). Il aurait pu naître là. A Gbecon, Hévé, ou n'importe quel autre village installé sur les rives du Mono. La chronique orale reprise par l'histoire officielle situe ses origines entre pays yoruba, et actuels Bénin (ex-Dahomey) et Togo.
Si au Togo, ses manifestations se sont dissipées dans le néant de quarante ans de dictature de la famille Gnassingbé, aujourd'hui dans le sud-Bénin, il semble n'avoir jamais été aussi vivant. La "dévaudousation" menée sous la première époque "marxisante" de Kérékou (originaire du nord, où le vaudou est beaucoup moins implanté), de 1972 à 1990 n'a pu déraciner la tradition. L'effet boomerang en quelque sorte, à l'image du regain de religiosité qui s'est manifestée en Pologne après quarante ans de déchristianisation stalinienne.
La reconnaissance du vaudou comme religion officielle, au même titre que le christianisme et l'Islam, par Nicéphore Soglo (aujourd'hui maire de Cotonou), pendant sa présidence (1991-96), et la fixation du 10 janvier comme Grande fête du Vaudou au Bénin, lui a donné une assise solide. Un élan nouveau, qui semble chaque année, convaincre de nouveaux adeptes du côté de Grand Popo. Et bien que le terrain semble constitué un terreau extrêmement favorable aux autres religions et sectes, notamment d'inspiration chrétienne.
Grand-Popo a donc célébré son 10 janvier, mardi. La place du 10 janvier, sur la plage de Gbecon, entre Mono et mer, où une tribune a été érigée il y a six ans, débordait de monde.
A Hévé, rive gauche du Mono (en face de Gbecon), les célébrations avaient commencé tôt le matin, par les offrandes annuelles spéciales rendues au grand fétiche du village, celui qui couvre les autres dieux adorés par les clans et familles : Agbo Allomazegbekpon.
Agbo Allomazegbekpon signifie "Jamais la main ne peut tenir une vie", en fon. Pour son 41e anniversaire, le grand féticheur (notre photo) l'a remercié de ses bienfaits, lui sacrifiant porc et chien. Comme tous les 10 janvier, et comme à chaque fois que le fétiche "exprime son envie de manger". Porc, chien, poulet, seuls ou ensemble, c'est selon, mais jamais de mouton. Le sang de mouton est proscrit : "C'est un animal faible". Et la chronique de Hévé dit qu'à chaque fois que le fétiche a été nourri par le sang du mouton, les vieilles querelles de famille se trouvaient ravivées.
Bien que modeste pêcheur, Lissassi Kokou, dit Akbono, a été élu grand féticheur de Hévé, par un collège national de féticheurs, qui siège dans la capitale, à Porto-Novo, pour son sens de la tolérance, sa foi et sa disponibilité à répondre aux besoins d'Agbo Allomazegbekpon. Une fonction qui lui vaut respect, vénération mais aussi crainte de la part de ses co-religionnaires.
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De nombreux hommes de Hévé ont fait leurs offrandes au grand fétiche, dans une demeure en principe secrète et inviolable pour toute personne du sexe féminin et tout non adepte. Un privilège d'y être entré. |
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Impressionnante collection de cranes d'animaux. |
Après le temps du rite et du sacrifice, celui de la fête de masse, des officiels et de leurs discours, de la parade et de l'ivresse. Tout ce que le vaudou compte de reconnu dans le secteur de Grand Popo était là, les chefs vaudous et leur cour. Le roi de Casamance, au Sénégal, était invité d'honneur. Nous reviendrons demain sur les multiples aspects festifs de cette jounée du 10 janvier.
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Le roi Guedengue 2, la plus grande autorité temporelle du vaudou du monde. Un chef qui est apparu de santé fragilisée. |