Un fait qu'il est bon de rappeler à tous les commentateurs, historiens avertis ou non, tentés d'expliquer la colonisation à l'aune de notre échelle de valeurs humaniste contemporaine occidentale. Les ressorts de l'histoire ne se décrypte pas à partir d'un code de morale. Moins encore quand le code de pensée a trempé, cent cinquante ans durant, dans la mauvaise conscience "formolisée".
Du palais ne subsiste qu'un informe amas de terre rouge. Mais la famille du mivede semble y résider toujours. |
A Abomey, l'autochtone est fier de son histoire, fier d'avoir été un peuple vainqueur, fier de sa lignée royale qui s'est fortifiée en faisant couler le sang. Plutôt que se mortifier sur les suppliciés du système très autocratique d'Abomey, l'autochtone a cultivé une sorte d'orgueil hautain et autoritaire, une sorte de défiance innée vis à vis du "yovo" prédateur que l'on ne ressent pas ailleurs au Bénin ni davantage dans la sous-région. Comme si la déportation de Behanzin (en 1894 en Martinique, après quatre ans de règne) devait demeurer pour l'éternité un motif de litige irréductible entre Béninois fons et Français.
Mais qui connaît au Bénin (et à Abomey) tous les tenants et aboutissants de cette histoire ? De quelles sources disposons-nous ? Des rapports militaires, de la chronique colonisatrice et des représentations fantasmagoriques de la mémoire orale locale dont se sont pétries, depuis plus d'un siècle, la culture et l'identité populaires. Pour se construire, les Nations ont autant besoin de véracité historique que de figures héroïques : il en va de Behanzin pour le Bénin, comme il en va d'Achille et Agamemnon dans la Grèce classique, de Constantin dans la Rome chrétienne ou de Vercingétorix dans la France post-révolutionnaire.
A celà, il faut ajouter qu'Abomey est aujourd'hui au Bénin l'une des rares villes à compter un patrimoine bâti historique, avec notamment la cité royale. Un élément qui contribue fortement à flatter le sentiment ethnocentrique de ce peuple fier, même si ce palais a été sauvé et reconstruit grâce à des programmes internationaux (qui s'en soucie à Abomey ?). La culture de la préservation du patrimoine et de la momification des traces matérielles de l'histoire est en fait complètement étrangère à celle du Bénin et pour tout dire de l'Afrique.
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