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lundi 27 février 2012

Abomey au carrefour d'une contruction identitaire

Dans l'histoire du Bénin, la guerre de résistance menée contre le colonisateur français par le roi d'Abomey, Behanzin, et son armée d'amazones, a beaucoup contribué à construire une identité nationale. Behanzin : un roi martyr mort en exil, magnifié par la conscience collective, héritier en fait d'un royaume qui avait érigé l'esclavagisme et le droit de vie et de mort comme règles dans les relations entre vainqueurs et vaincus.

Le mivede rendait la justice ; il était le deuxième personnage du royaume d'Abomey et la charge était transmissible. Au premier plan, le hall d'attente de la maison du mivede devenue maison de culte traditionnel ("Alottodedekin") par lequel étaient introduits les justiciables et autres solliciteurs.


Un fait qu'il est bon de rappeler à tous les commentateurs, historiens avertis ou non, tentés d'expliquer la colonisation à l'aune de notre échelle de valeurs humaniste contemporaine occidentale. Les ressorts de l'histoire ne se décrypte pas à partir d'un code de morale. Moins encore quand le code de pensée a trempé, cent cinquante ans durant, dans la mauvaise conscience "formolisée".

Du palais ne subsiste qu'un informe amas de terre rouge. Mais la famille du mivede semble y résider toujours.

A Abomey, l'autochtone est fier de son histoire, fier d'avoir été un peuple vainqueur, fier de sa lignée royale qui s'est fortifiée en faisant couler le sang. Plutôt que se mortifier sur les suppliciés du système très autocratique d'Abomey, l'autochtone a cultivé une sorte d'orgueil hautain et autoritaire, une sorte de défiance innée vis à vis du "yovo" prédateur que l'on ne ressent pas ailleurs au Bénin ni davantage dans la sous-région. Comme si la déportation de Behanzin (en 1894 en Martinique, après quatre ans de règne) devait demeurer pour l'éternité un motif de litige irréductible entre Béninois fons et Français.

Zomadonou est le premier vaudou < arrivé > à Abomey, et à ce titre le chef de tous les vaudous du peuple fon. Cet édifice construit en 1704 (selon la chronique officielle) < avec le sang des humains > par le roi Akaba, est aujourd'hui un grand lieu de culte, qu'il n'est pas aisé de pouvoir photographier sans se faire apostropher ou "racketter".
Mais qui connaît au Bénin (et à Abomey) tous les tenants et aboutissants de cette histoire ? De quelles sources disposons-nous ? Des rapports militaires, de la chronique colonisatrice et des représentations fantasmagoriques de la mémoire orale locale dont se sont pétries, depuis plus d'un siècle, la culture et l'identité populaires. Pour se construire, les Nations ont autant besoin de véracité historique que de figures héroïques : il en va de Behanzin pour le Bénin, comme il en va d'Achille et Agamemnon dans la Grèce classique, de Constantin dans la Rome chrétienne ou de Vercingétorix dans la France post-révolutionnaire.

Zomadonou signifie "On ne peut dompter le feu avec la langue". Ce vaudou-dieu est né avec toutes ses dents, parlait, fredonnait, dirigeait ses ministres au premier jour de sa vie. Cette dame en serait la grande féticheuse
A celà, il faut ajouter qu'Abomey est aujourd'hui au Bénin l'une des rares villes à compter un patrimoine bâti historique, avec notamment la cité royale. Un élément qui contribue fortement à flatter le sentiment ethnocentrique de ce peuple fier, même si ce palais a été sauvé et reconstruit grâce à des programmes internationaux (qui s'en soucie à Abomey ?). La culture de la préservation du patrimoine et de la momification des traces matérielles de l'histoire est en fait complètement étrangère à celle du Bénin et pour tout dire de l'Afrique.


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