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mercredi 9 février 2011

En route vers le pays kabyé

Atakpamé-Kara, environ 200 km de route complètement détériorée. Le barrage de Nangbeto sur lefleuve Mono n'est pas sur l'itinéraire, mais je décide d'y faire un crochet. Voire une pause nocturne. On voit sur place.
Cette retenue d'eau est d'importance stratégique pour le Bénin et le Togo. Sa centrale produit en effet plus d'un tiers de l'énergie électrique consommée dans ces deux pays. Son accès n'est donc pas aisé, car très surveillé. On peut le comprendre s'il s'agit de protéger le principal ouvrage hydraulique dont dépend l'économie des deux pays. Contre par exemple des attentats terroristes (peu problables). On le comprend moins lorsque les gardiens de l'édifice conditionnent son approche et sa visite guidée et commentée à une entrée payante, même de 3.000 francs CFA. Alors même que la route reliant Nangbeto et cette région du Togo à Savalou au Bénin emprunte l'ouvrage même.
La voie qui mène d'Atakpamé à Nangbeto : 50 kilomètres de piste en terre rouge carrossable. Même vitre fermée, la poussière s'infiltre partout.
La traction animale n'est pas rare au Togo,  loin des grandes agglomérations.
Le barrage de Nangbeto construit conjointement par le Bénin et le Togo en 1987 produit environ un tiers des besoins en électricité des deux pays.

Nangbeto. Son édification a conduit à expulser plus de dix mille personnes dans des villages situés environ à une dizaine de kilomètres de l'ouvrage, et paradoxe, des villages que la fée électricité a oubliés. Ces populations déplacées continuent à s'éclairer à la lampe à pétrole. Par compensation sans doute, on leur a construit une belle route en goudron en parfait état encore aujourd'hui, dont les riverains n'ont aucune utilité, n'étant pas motorisés.

Sur le lac, voisinent pêcheurs et maraîchers. Ici assi, la moindre parcelle fertile est exploitée.

Dans les régions enclavées et mal desservies par les voies de communication, les retards de développement sont frappants.
 
Soko, ouvrier agricole, salarié parla Sooiété sucrière sino-togolaise.

Anié. Dans cette région située quelque 20 km au nord d'Atakpamé, 500.000 hectares de terres, hier en friches, ont été reconverties dans la canne à sucre.
La fabrique de transformation, elle aussi exploitée par une société chinoise, la Société sucrière sino-togolaise, a été construite à Anié. Pour irriguer cette immense plantation, a été creusé un petit canal de dérivation.

 Niantougou Copé. Pause dégustation de lossomicine, une bière de sorgho très faiblement alcoolisée, le cousin du choucoutou (bière de mil) et de la kablémissiine au goût très voisin, moins raffiné, mais tout aussi rafraichissant. Une bière de sorgho typiquement de Niantougou, à 20 km au nord de Kara, et exportée 100 km au sud de Kara, par des villageois émigrés ayant quitté Niantougou pour créer Niantougou Copé (Copé signifiant petit village).




La faille d'Aledjo. Redoutée par les titans sahéliens. Des dizaines de squelettes métalliques désarticulés gisent ventre en l'air. Son ascension est constellée de tracteurs rangés sur le côté ou tout bonnement au milieu de la route, moteur cassé et cargaison en stand by, en attente de remorquage.

La faille d'Aledjo creusée dans la roche, est une curiosité que tout Togolais doit avoir vu au moins une fois dans sa vie. Un peu comme le tunnel du Mont-Blanc (toute proportion gardée).
  Conscient, enfin, de ce point noir, véritable prétexte à contrarier les bonnes relations commerciales entre le Togo et les pays du Sahel (Burkina, Mali et Niger) dont une grande partie des importations transitent par Lomé et ses voies de communication, le Togo a aménagé plusieurs dizaines d'aires de stationnement entre Atakpamé et Kara, à l'usage des routiers plantés en rase campagne. En attendant l'ouverture de la transversale internationale Kara - Djougou (au Bénin) en bonne voie de réalisation, qui permettra de rejoindre Kara, par le Bénin, et en évitant la faille d'Aledjo.

lundi 7 février 2011

Agriculture et sécurité alimentaire

Si le mil, le sorgho et l'igname restent les valeurs sûres de l'alimentation togolaise, l'agriculture s'est beaucoup diversifiée. Le maïs est aujourd'hui la première culture, devant le riz et le coton. Elle est devenue également beaucoup plus planifiée, et, sans être encore vertueuse, nullement indifférente aux valeurs de l'agriculture durable. Il faudra attendre probablement encore une génération pour que les villageois saisissent à quel point le déboisement est contre-productif et néfaste pour leur qualité de vie immédiate, l'économie de leur région et la prospérité de leur agriculture. En quinze ans, beaucoup de choses néanmoins ont émergé, des cultures nouvelles ont pris racine.
La proximité de l'hôtel où je suis descendu à Atakpamé et de la Direction régionale de l'agriculture de la région des Plateaux, m'a incité à en savoir plus. En savoir plus sur les priorités affirmées de la politique agricole togolaise et sur la perception qu'on a, ici, des dossiers qui préoccupent la planète agro-alimentaire. Le directeur m'a reçu avec une grande courtoisie dans son bureau sans autre protocole. Sans même prendre rendez-vous.
  1. Le reboisement. Question : A Lavié, quelques kilomètres après Kpalimé, toutes les familles se sont mises à faire de la pépinière. Une activité initialement lucrative lorsqu'elle ne concernait que quelques familles, qui l'est beaucoup moins aujourd'hui, et, qui par ailleurs, pose des problèmes d'alimentation en eau des villageois ?  La conséquence d'un déficit de planification ?
< Le reboisement est géré par le ministère de l'Environnement. Mais on fait souvent ce qu'on voit faire. On a commencé avec une ou deux personnes, et puis les autres voyant le niveau de vie des bénéficiaires s'améliorer se sont lancés. Quant au problème de l'eau ?.. La concentration n'est pas souhaitée. Mais c'est ainsi. Aujourd'hui, on trouve des pépinièristes partout, sur tout le territoire togolais. Le marché intérieur du teck est très demandé. On en a beaucoup exporté ces dernières années, des tecks plantés il y a trente ans et même pendant l'époque coloniale. Des arbres provenant davantage des teckeraies de l'Etat que du privé. D'où la naissance en masse aujourd'hui de teckeraies privées.>
Des étendues de pépinières de tecks, élevées aux portes de Lomé. Des forêts de jeunes tecks accompagnent ainsi le voyageur sur plus d'une centaine de kilomètres entre Sotouboua et Kara, dans le nord du Togo.

Après des decennies de déforestation, pour un usage souvent simplement domestique du bois (comme combustible, en le transformant en charbon de bois), sans que l'on se préoccupe même de pérenniser la matière première, le Togo replante aujourd'hui. Pour chaque arbre abattu, trois arbres doivent être plantés. Sur le terrain, il apparait difficile de faire respecter cette mesure par les nombreuses familles vivant de la transformation du bois en charbon de bois.

    2. Le soutien de l'Etat à l'agriculture. Question : Sans aides publiques, l'agriculture européenne, notamment française, aurait des difficultés à vivre. Un état de fait dénoncé par les pays émergents et africains, contraints de s'en accomoder. Quelles formes prend l'aide à l'agriculture de l'Etat togolais ?

< La politique d'accompagnement des agriculteurs prend notamment la forme, depuis trois ans, du crédit "intrants". L'agriculteur paie après la récolte. Elle se décline aussi sous la forme d'un appui à l'accès au matériel agricole, notamment les tracteurs. Les tracteurs de l'Etat sont mis à la disposition de l'agriculteur, avec tractoriste, à coût très concurrentiel, à 20.000 francs l'hectare (30 euros). Les opérateurs privés louent à 35.000 francs. Enfin, le ministère a mis en place un dispositif d'aide à l'équipement agricole sur la base de la qualité du travail réalisé. Le Forum de l'agriculture togolaise qui a lieu une fois par an dans une région différente, mi-février, est l'occasion pour les agriculteurs et leurs représentants de discuter avec le président sur les problèmes, la qualité de l'équipement animal ou mécanique, les intrants, etc. Des aides personnalisées sont allouées à l'occasion de ce forum.>

La location de matériel appartenant à l'Etat est l'une des formes que prend le soutien au développement agricole, au Togo. Prêt de tracteur, remorque, semoir ou charrue, pour une ou plusieurs journées, et tarifé 20.000 francs CFA à l'hectare, technicien agricole compris. Le parc de matériel agricole appartenant à la Direction régionale agricole de la région des Plateaux compte vingt tracteurs, onze de la marque indienne Sonalika (70 chevaux) et neuf de la marque chinoise Farmtrac (60 chevaux). Les contractants exploitent 5 hectares en moyenne. Le parc des machines agricoles est placé sous la responsabilité de Yao Guezere, ingénieur rural  (notre photo).



Comme à Patatoukou, les plantes maraichères prennent possession des rives des rivières.
  3. Le maraîchage. Question : L'aide publique bénéficie-t-elle au maraîchage ?

< Le maraîchage est complètement intégré dans le développement agricole. Le Togo s'est doté d'un programme de sécurité alimentaire, notamment en terme de qualité. Ce programme a été adopté l'année dernière par le gouvernement et soumis à l'Assemblée. Il prend en compte la question de la qualité alimentaire de façon prosaïque. Si les jardins se sont développés, c'est qu'ils répondent à une demande intérieure de plus en plus importante. La production agricole locale a pour objectif premier de répondre au marché local. >

Les rives de la rivière Kara : une terre fertile propice à la culture maraichère. Lors de ses crues, la rivière inonde pendant deux mois une grande partie des jardins.
 
Raphaël cultive choux, salade et piment depuis sept ans. La majorité de sa récolte est expédiée vers la capitale, Lomé, au sud.
     4. L'importation des surplus céréaliers des pays producteurs excédentaires. Question : L'afflux massif de céréales provenant des excédents européens depuis la fin des années 80 est à l'origine de nouvelles habitudes alimentaires mais a aussi déséquilibré les marchés intérieurs africains, et entrainer un dumping sur les prix au détriment des paysans locaux. Comment le Togo a-t-il géré cette donne ?


Les rizières de la région de Sodo.
< Pour prendre l'exemple du riz, le Togo importe chaque année pour 4 milliards de francs CFA, majoritairement des pays asiatiques. L'objectif du Programme de sécurité alimentaire est de réduire la facture de l'importation, tout en accompagnant la culture intérieure. Pour le riz, des dispositions seront prises pour faire reculer ce déficit.
Le riz au Togo est cultivé dans les bas-fonds, dans les zones qui regorgent d'eau où les autres céréales autochtones ne poussent pas toujours. Donc le Togo pense à aménager sérieusement les bas-fonds pour développer le riz et le maraîchage. Pendant les mois de sécheresse, il y a encore de la fraîcheur dans ces bas-fonds. >


   5. Les Organismes génétiquement modifiés. Question : Quelle est la position du Togo sur les OGM ? L'agriculture traditionnelle ayant démontré son incapacité à réguler la question alimentaire, les OGM ne pourraient-ils constituer une opportunité ? La tentation doit être grande ?

< Le Togo n'a pas de position officielle et n'a pas de politique globale sur le sujet. La position du Togo est celle de la Cedao (Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest) : "Attendons et voyons". >

Possède-t-il au moins les moyens de contrôle ? S'est-il doté des moyens pour anticiper une éventuelle stratégie de contournement qui le mettrait devant le fait accompli ?

< Le Togo ne dispose pas des moyens de contrôler et ne s'est pas donné les moyens de le faire. Il n'a pas exprimé de position très nette sur le sujet. >

vendredi 4 février 2011

Sur la route d'Atakpamé

Lomé, Kpalimé, Atakpamé, Sotouboua, Kara, 450 km de route goudronnée la plupart du temps défoncée. On traverse ainsi le Togo, dans sa moitié méridionale, à une moyenne inférieure à 50 km/h, une montée vers le nord très rafraichissante et dépaysante, pleine de diversité et de surprises. Un pays au charme confondant pour ses paysages, ses gens partout accueillant, et maniant la langue française avec aisance, davantage que que dans le sud-Bénin, d'où je suis parti.

Première pause, quelques minutes après la sortie de l'agglomération de Lomé, chez un distillateur de sodabi.

Un équipement rudimentaire pour un savoir-faire éculé : le vin de palme obtenu après fermentation de la sève de palmier est chauffé dans un gros bidon (un bidon d'huile mangé par la rouille). La vapeur d'alcool véhiculée dans un tuyau est refroidie dans de l'eau froide (ici, trois bidons alignés). A la sortie, un goutte-à-goutte de liquide très alcoolisé. Le sodabi réalisé par cette famille rencontrée sur la route de Kpalimé est très nature, et sans autre adjonction, parfois suspecte, du genre "boulons rouillés" entassés dans le fond du bidon où fermente le vin de palme. 20 litres de sodabi sont confectionnés avec 80 litres de vin de palme.

 Il est tôt et je trempe le bout des lèvres dans le liquide, qui tire à peine 40 degrés. Un alcool bricolé à partir de la sève de palmiers mieux maitrisé, me semble-t-il, que sur les rives du Mono, où le breuvage voisine des sommets à 60-70°. On l'ingère en général cul sec, pour éviter qu'il indispose la gorge, avant les intestins.

Distillateur de père en fils.


















Kpalimé, à 120 km de Lomé. A la fois riche de ses champs de café et de cacao, et de ses paysages forestiers extrêmement verts. Forêts d'iroko, d'ébène et de manguier sauvage. Un repos absolu pour les yeux, une douceur de température stable, entre 23 et 26° toute l'année. Une douceur que l'Allemagne avait mise à profit, avant la première guerre mondiale, pour construire un centre de convalescence pour ses colons malades, sur le sommet du mont Kloto qui domine Kpalimé.

Le bas de Kpalimé, où des travaux d'assainissement des eaux pluviales sont en cours.

En montant sur le mont Kloto.




20 km au nord de Kpalimé : Lavié. Curiosité : toute la population active semble s'être convertie au métier de pépinièriste. Vingt-cinq familles ont suivi le même chemin pour la seule agglomération de Lavié Kpota, l'une des trois composantes de la commune. Au départ, il y a 7-8 ans, un programme spécifique de reboisement mobilisant des financements qui bénéficient à quelques foyers. Une aventure concluante dans laquelle se lancent Dieudonné Koffi Deh et Pierre Tsogbé et leurs épouses, qui voient leurs revenus sensiblement s'améliorer.

Dieudonné Koffi Deh et sa soeur vendent 350 francs (0,60 euro) le plant de manguier greffé, 150 francs (0,25 euro) le plant de citronnier, de goyavier, de mandarinier ou encore d'avocatier.

La poule aux oeufs d'or ne passe pas inaperçue et fait école. Tout le monde se met alors à faire à Lavié des pépinières de bois de cure-dent, de palmiers sélectionnés (essences "toro" originaire du Ghana et Sonaf, originaire du Bénin), de manguiers greffés, de goyavier, citronnier, mandarinier, oranger, avocatier ou encore de cocotier...
La mine a donc tendance aujourd'hui à se tarir et à nourrir les querelles entre exploitants pépinièristes et les autres populations. Pendant la période de sécheresse, "les gens se plaignent de ne plus avoir assez d'eau pour boire", explique Mme Akpeto. Les plants naissants sont gourmands en eau, et si le nombre de pépinièristes a explosé à Lavié, le nombre de pompes est resté le même. Seul, le creusement de nouveaux puits est à même de  pérenniser l'activité et garantir les besoins domestiques en eau.


Adeta. Pause bière et pause charme dans un petit maquis à l'entrée de cette bourgade de plusieurs milliers d'habitants, pleine de la sérénité que confère à l'endroit un majestueux baobab.


Félicité, coiffeuse, 20 ans.

Edem, accoucheuse, 22 ans.









Magestueux, ce baobab, sur son territoire de verdure vassalisée.



















On poursuit notre route vers le nord. Govie-Hoeme. Où des cimetières se confondent avec la forêt. La nature reprend ses droits sur la vie. On n'a jamais aussi bien appliqué la formule catholique du Mercredi des Cendres qui marque le début du Carême : "Tu es né poussière et tu redeviendras poussière".



Du marbre presque toujours, mais parfois aussi de simples pierres tombales complètement recouvertes par les feuilles, elles-mêmes en plein cycle de décomposition et de retour vers l'état de poussière.





Hlonvié, dans l'arrondissement de Kpele-Akete. Ameganvi Féla et son ami Komla Gozan ont quitté le Ghana et la région de la moyenne Volta (la frontière est à quelques kilomètres) d'où ils sont originaires pour ouvrir un atelier de tissage, il y a à peine un mois. Le coton vient du Ghana. A notre arrivée, Komla s'emploie à la confection d'un pagne d'homme. Un travail de trois jours.


Ameganvi et Komla viennent de s'installer au Togo. Entre pays africains, l'immigration n'a jamais posé problème. Elle est même la règle normale depuis toujours. On s'installe là où l'on peut vivre et travailler.


 Des paysages verts à relief tout au long du voyage, dans cette région des Plateaux, dont Atakpamé, elle-même installée de façon anarchique sur des collines, est la préfecture. Ici, dans l'arrondissement de Kpele-Ele.






Et d'autres cimetières enterrés sous les arbres, dont les racines font corps avec l'âme des ancêtres. Comme ci-dessous à Agavé. Vraiment très beau.



Et puis des rizières à Sodo.Premiers champs de riz, qui est aujourd'hui, après la maïs, la deuxième culture du Togo. Les habitudes alimentaires évoluent, les cultures aussi.



Patatoukou. Dans un trou d'eau d'une rivière en partie asséchée, des enfants sont chargés de la corvée d'eau. Comme chaque jour. Dans cette région des Plateaux du Togo, l'eau n'est pas un élément rare. La terre est fertile et propice aux plantes potagères : choux et salades notamment.




Fin de l'après-midi. Les femmes terminent leurs travaux domestiques à la rivière Amou. Avant de préparer le repas du soir.





Nous arrivons enfin à Atakpamé.

dimanche 30 janvier 2011

Des carottes et de la laitue au pays de la pâte

Le paysage côtier entre Lomé et Grand-Popo s'est complètement transformé en quinze ans. L'espace livré aux cocoteraies sauvages s'est réduit comme peau de chagrin pour laisser place aux légumes que l'on a plutôt l'habitude de voir prospérer dans les pays tempérés : carottes, laitues, choux, oignons, tomates et même persil. Autre phénomène nouveau : le piment se fait une place au soleil.
Les carottes et choux poussent donc à même le sable. Toute la côte est ainsi longée de puits, et à 18 heures, quand pointe le crépuscule, se déploie le grand serpentin des hommes, femmes et enfants blottis dans leur tuyau d'arrosage. Des volumes d'eau énormes pompés dans le sous-sol sont déversés.

Une parcelle de carottes où les plants ont levé avec plus ou moins de bonheur.
 Si le développement du maraîchage est la résultante d'une évolution positive des habitudes alimentaires vers davantage de diversité et d'équilibre, on peut douter de son caractère éco-durable. Car si la carotte s'accomode d'une terre sableuse, l'imperméabilité n'est pas la qualité première du sable. Rien n'est jamais aussi simple qu'on le pense.
Grand-Popo est aujourd'hui la deuxième ville du maraîchage du Bénin, après Malanville, dans l'extrême-nord, à la frontière du Niger.

Ce couple a  planté du piment. Les séances d'arrosage sont bi-quotidiennes. Nous sommes ici sur du sable, à 300 mètres de la mer.
 Ancien mécanicien, Assouvie s'est reconverti il y a quelques années dans le maraîchage, profitant d'un programme d'accompagnement spécifique à l'installation financé par l'Etat, et moyennant un apport personnel initial de 1 MF CFA, avancé par ses soeurs et frères, pour se doter de l'équipement (tuyaux, électricité, pompe...) nécessaire. Malgré des frais fixes en eau élevés autour de 20.000 francs par mois, le pari s'est avéré payant, puisqu'Assouvie est aujourd'hui propriétaire de plusieurs parcelles à Grand-Popo, dans une commune où le m² est parmi les plus chers du Bénin (une parcelle de 625 m² vaut environ 4 millions).

Assouvi a planté plus de 3000m² de carottes en novembre qu'il espère récolter en novembre.



Un rendement aléatoire mais une récolte bien réelle.
  De petites fortunes foncières et commerciales seraient ainsi en train de se constituer autour de ce marché réduit de la carotte, du choux, et du haricot vert. Assouvie vend ainsi l'ensemble de sa récolte à la même commerçante, parmi celles que l'on a l'habitude d'appeler au Bénin "les bonnes dames". Cette année, il s'agit tout de même de 3000 m².

jeudi 27 janvier 2011

Se transporter en toute insécurité

Les routes béninoises font peur. Saturées dans l'agglomération de Cotonou et absolument sans pitié pour ses victimes. Le phénomène de l'insécurité routière va croissant. Ici au Bénin, mais aussi dans l'ensemble de la sous-région, des accidents mortels sont à déplorer tous les jours. Lundi 24 encore, au Ghana, entre Accra et Lomé, un taxi-brousse s'est encastré dans un camion-citerne à l'arrêt. Une dizaine de passagers ont brûlé vif. Et parier ici, sur d'éventuels sauvetages par des services de secours professionnels et entraînés est illusoire. L'accident le plus bénin peut prendre des allures de catastrophe... une fracture, celle d'une amputation.



En quinze ans, le trafic s'est multiplié par deux, dix, cent... et rien ne devrait pouvoir freiner cette spirale maléfique. Les gouvernants de ce pays n'ont pas encore pris la mesure du péril. Ni d'ailleurs les usagers, chauffeurs, zemidjans et forces policières et de gendarmerie chargées de la sécurité routière, et qui s'accomodent au fond fort bien de la situation, entre plages de prélassement sur le bord de la voie et plages de racket. Un dernier marché florissant : 90 % des véhicules ne sont pas en règle.


Ici, à 12 km de Grand-Popo, un camion a pris feu.


Phénomène particulier au Bénin et au Togo, mais beaucoup plus aigu à Cotonou, le trafic routier est sous l'emprise totale des zemidjans, ces taxi-motos apparus il y a près de vingt ans, et qui se sont multipliés comme des rongeurs. Circuler au volant d'un quatre-roues est devenu périlleux et éprouvant, et le code de la route, d'aucune utilité.

A Cotonou et sa banlieue, les deux-roues et les  zems sont rois.
 Comme si cette difficulté particulière, ajoutée à la saturation des infrastructures, ne suffisait pas, l'attitude normale est de fermer les yeux. Fermer les yeux sur les véhicules surchargés en passagers ou en fret, les autos hors d'état de circuler, la vitesse excessive des chauffeurs bien chargés en alcool ou en tout autre substance qu'il n'est pas recommandé de prendre en quantité excessive quand on veut s'exercer à la vitesse au volant d'une 504 au parallélisme divergent, aux portes sans poignées intérieures, avec deux mètres cubes de bagages sur la galerie et des pneus lisses.


Un titan n'en peut plus et s'immobilise au milieu de la voie, dans une légère côte. On dépasse par la droite, par la gauche, comme l'on peut.

Des véhicules surchargés et pas du tout en état de rouler;
 Les routes bénino-togolaises sont encombrées de tous ces comportements désordonnés peu compatibles avec la sécurité routière, et qui doivent, pour achever le décor, faire bon ménage avec les "titans" de la route africaine se trainant vers le Niger, le Burkina-Faso ou le Mali, croûlant sous les kilomètres, tels des escargots écrasés sous une trop lourde coquille ; avec une route dégradée parsemée d'ornières invitant le conducteur à slalomer ou à casser ; et la nuit, avec des usagers non éclairés ou au contraire éclairés de phares surpuissants et aveuglants. Aucune norme d'éclairage n'est, en effet, encore en vigueur ici pour les deux-roues. Une aubaine pour les marques de motos-cyclos chinois, qui équipent majoritairement les zems, et qui perçoivent la norme comme autant d'obstacles au libre-commerce sans contrôle. Beaucoup plus rapides que les japonaises, elles ont, en outre, fait faire la culbute dans l'échelle des risques aux utilisateurs du deux-roues, qui circulent bien-sûr sans casque.
Un titan en travers de la route, à hauteur du lac Ahémé.


Un taxi-brousse fait plusieurs tonneaux, près d'agoué. Heureusement, il n'y aura pas de mort, cette fois-ci.
Résultat : des accidents en chaîne de plus en plus
graves.


Un éclair dans cette peinture réaliste catastrophiste : la construction du premier tronçon d'autoroute avec l'échangeur d'Abomey-Calavi. Des travaux d'infrastructures qui pourraient décongestionner le trafic de Cotonou, s'ils étaient livrés maintenant tout de suite. A l'allure où va le chantier confié à des ingénieurs chinois, et où se densifie toujours davantage le trafic, il y a à craindre que ces infrastructures ne répondront déjà plus aux besoins dans dix ans.


L'échangeur d'Abomey-Calavi, à Godomey. Un joyeux bordel qui dure depuis deux ans pour tous les usagers qui entrent ou sortent de Cotonou, par l'Ouest, à Godomey.