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dimanche 30 janvier 2011

Des carottes et de la laitue au pays de la pâte

Le paysage côtier entre Lomé et Grand-Popo s'est complètement transformé en quinze ans. L'espace livré aux cocoteraies sauvages s'est réduit comme peau de chagrin pour laisser place aux légumes que l'on a plutôt l'habitude de voir prospérer dans les pays tempérés : carottes, laitues, choux, oignons, tomates et même persil. Autre phénomène nouveau : le piment se fait une place au soleil.
Les carottes et choux poussent donc à même le sable. Toute la côte est ainsi longée de puits, et à 18 heures, quand pointe le crépuscule, se déploie le grand serpentin des hommes, femmes et enfants blottis dans leur tuyau d'arrosage. Des volumes d'eau énormes pompés dans le sous-sol sont déversés.

Une parcelle de carottes où les plants ont levé avec plus ou moins de bonheur.
 Si le développement du maraîchage est la résultante d'une évolution positive des habitudes alimentaires vers davantage de diversité et d'équilibre, on peut douter de son caractère éco-durable. Car si la carotte s'accomode d'une terre sableuse, l'imperméabilité n'est pas la qualité première du sable. Rien n'est jamais aussi simple qu'on le pense.
Grand-Popo est aujourd'hui la deuxième ville du maraîchage du Bénin, après Malanville, dans l'extrême-nord, à la frontière du Niger.

Ce couple a  planté du piment. Les séances d'arrosage sont bi-quotidiennes. Nous sommes ici sur du sable, à 300 mètres de la mer.
 Ancien mécanicien, Assouvie s'est reconverti il y a quelques années dans le maraîchage, profitant d'un programme d'accompagnement spécifique à l'installation financé par l'Etat, et moyennant un apport personnel initial de 1 MF CFA, avancé par ses soeurs et frères, pour se doter de l'équipement (tuyaux, électricité, pompe...) nécessaire. Malgré des frais fixes en eau élevés autour de 20.000 francs par mois, le pari s'est avéré payant, puisqu'Assouvie est aujourd'hui propriétaire de plusieurs parcelles à Grand-Popo, dans une commune où le m² est parmi les plus chers du Bénin (une parcelle de 625 m² vaut environ 4 millions).

Assouvi a planté plus de 3000m² de carottes en novembre qu'il espère récolter en novembre.



Un rendement aléatoire mais une récolte bien réelle.
  De petites fortunes foncières et commerciales seraient ainsi en train de se constituer autour de ce marché réduit de la carotte, du choux, et du haricot vert. Assouvie vend ainsi l'ensemble de sa récolte à la même commerçante, parmi celles que l'on a l'habitude d'appeler au Bénin "les bonnes dames". Cette année, il s'agit tout de même de 3000 m².

jeudi 27 janvier 2011

Se transporter en toute insécurité

Les routes béninoises font peur. Saturées dans l'agglomération de Cotonou et absolument sans pitié pour ses victimes. Le phénomène de l'insécurité routière va croissant. Ici au Bénin, mais aussi dans l'ensemble de la sous-région, des accidents mortels sont à déplorer tous les jours. Lundi 24 encore, au Ghana, entre Accra et Lomé, un taxi-brousse s'est encastré dans un camion-citerne à l'arrêt. Une dizaine de passagers ont brûlé vif. Et parier ici, sur d'éventuels sauvetages par des services de secours professionnels et entraînés est illusoire. L'accident le plus bénin peut prendre des allures de catastrophe... une fracture, celle d'une amputation.



En quinze ans, le trafic s'est multiplié par deux, dix, cent... et rien ne devrait pouvoir freiner cette spirale maléfique. Les gouvernants de ce pays n'ont pas encore pris la mesure du péril. Ni d'ailleurs les usagers, chauffeurs, zemidjans et forces policières et de gendarmerie chargées de la sécurité routière, et qui s'accomodent au fond fort bien de la situation, entre plages de prélassement sur le bord de la voie et plages de racket. Un dernier marché florissant : 90 % des véhicules ne sont pas en règle.


Ici, à 12 km de Grand-Popo, un camion a pris feu.


Phénomène particulier au Bénin et au Togo, mais beaucoup plus aigu à Cotonou, le trafic routier est sous l'emprise totale des zemidjans, ces taxi-motos apparus il y a près de vingt ans, et qui se sont multipliés comme des rongeurs. Circuler au volant d'un quatre-roues est devenu périlleux et éprouvant, et le code de la route, d'aucune utilité.

A Cotonou et sa banlieue, les deux-roues et les  zems sont rois.
 Comme si cette difficulté particulière, ajoutée à la saturation des infrastructures, ne suffisait pas, l'attitude normale est de fermer les yeux. Fermer les yeux sur les véhicules surchargés en passagers ou en fret, les autos hors d'état de circuler, la vitesse excessive des chauffeurs bien chargés en alcool ou en tout autre substance qu'il n'est pas recommandé de prendre en quantité excessive quand on veut s'exercer à la vitesse au volant d'une 504 au parallélisme divergent, aux portes sans poignées intérieures, avec deux mètres cubes de bagages sur la galerie et des pneus lisses.


Un titan n'en peut plus et s'immobilise au milieu de la voie, dans une légère côte. On dépasse par la droite, par la gauche, comme l'on peut.

Des véhicules surchargés et pas du tout en état de rouler;
 Les routes bénino-togolaises sont encombrées de tous ces comportements désordonnés peu compatibles avec la sécurité routière, et qui doivent, pour achever le décor, faire bon ménage avec les "titans" de la route africaine se trainant vers le Niger, le Burkina-Faso ou le Mali, croûlant sous les kilomètres, tels des escargots écrasés sous une trop lourde coquille ; avec une route dégradée parsemée d'ornières invitant le conducteur à slalomer ou à casser ; et la nuit, avec des usagers non éclairés ou au contraire éclairés de phares surpuissants et aveuglants. Aucune norme d'éclairage n'est, en effet, encore en vigueur ici pour les deux-roues. Une aubaine pour les marques de motos-cyclos chinois, qui équipent majoritairement les zems, et qui perçoivent la norme comme autant d'obstacles au libre-commerce sans contrôle. Beaucoup plus rapides que les japonaises, elles ont, en outre, fait faire la culbute dans l'échelle des risques aux utilisateurs du deux-roues, qui circulent bien-sûr sans casque.
Un titan en travers de la route, à hauteur du lac Ahémé.


Un taxi-brousse fait plusieurs tonneaux, près d'agoué. Heureusement, il n'y aura pas de mort, cette fois-ci.
Résultat : des accidents en chaîne de plus en plus
graves.


Un éclair dans cette peinture réaliste catastrophiste : la construction du premier tronçon d'autoroute avec l'échangeur d'Abomey-Calavi. Des travaux d'infrastructures qui pourraient décongestionner le trafic de Cotonou, s'ils étaient livrés maintenant tout de suite. A l'allure où va le chantier confié à des ingénieurs chinois, et où se densifie toujours davantage le trafic, il y a à craindre que ces infrastructures ne répondront déjà plus aux besoins dans dix ans.


L'échangeur d'Abomey-Calavi, à Godomey. Un joyeux bordel qui dure depuis deux ans pour tous les usagers qui entrent ou sortent de Cotonou, par l'Ouest, à Godomey.

mardi 25 janvier 2011

L'hôpital fantôme de Grand-Popo

Un hôpital désert toutes portes ouvertes à l'harmattan. Avec pour toute présence humaine, jeudi dernier, une jeune fille japonaise, bien sagement assise et en prise avec un roman d'épouvante. C'est l'hiver béninois, avec sa petite rosée et son brouillard matinal. Le jeudi, comme les mardis et mercredis, le personnel soignant et para-médical (infirmiers, sage-femmes, aide-soignants, etc) est en grève.



Le conflit dure depuis deux ans, et est reconduit chaque semaine, depuis le 9 novembre 2010. Une grève très suivie, trois jours de la semaine et sans service minimum.
Le gouvernement n'est pas sorti d'affaire. La loi béninoise prévoit, en effet, le paiement des jours non travaillés des agents du service public grévistes. Le précédent conflit social avec les enseignants avait empoisonné le dernier mandat présidentiel de Kérékou, durant plusieurs années, et sans parvenir à se solutionner. De guerre lasse, le gouvernement de Bony Yayi a débloqué 10 milliards d'euros en 2010, et remis les profs dans les classes grâce à de significatives hausses de traitements. De l'ordre de 50 à 80 %.

Le conflit des hospitaliers part d'une prime de 6.000 CFA par mois versée depuis toujours égalitairement, et réévaluée à 100.000 CFA pour les seuls médecins. Une mesure que les syndicats des para-médicaux, très puissants au Bénin, jugent inacceptable. Là, rien d'offusquant, si l'on excepte l'absurde rémunération des heures non travaillées, "inscrites dans la constitution", m'a expliqué le représentant du personnel sanitaire des centres de santé périphériques de Grand-Popo.
Le plus étonnant, dans toute cette affaire, est bien de constater finalement que la vie pèse moins lourd que les intérêts des personnels. Comme l'illustre l'état d'abandon de l'établissement de santé de Grand-Popo. Comme une grosse barque à la dérive. J'ai découvert le centre, jeudi matin, livré à lui-même, dans un état déplorable, sans le moindre gardiennage, toutes portes ouvertes, y compris la salle où sont congelés les vaccins. Les fiches des patients suivis régulièrement étaient restées en plan dans leurs boîtes, plantées là sans le moindre soin.

La salle de soins principale, aux murs décrépis, et son maigre mobilier.

Le hall où les fiches des patients dans leur boîte n'ont pas été rangées.
A se demander si le médecin-chef, le seul médecin du centre de soins principal mais également de toute la commune de Grand-Popo, où la population dépasse 40.000 habitants, n'est pas lui-même une sorte de fantôme. L'aspect intérieur et extérieur des bâtiments, de la cour, des toilettes, des salles de soins et de la maternité témoigne d'une déficience flagrante et irresponsable en terme d'entretien.
Et pourtant, le dispensaire n'a que 15 ans. Il n'était pas encore sorti de terre lors de mon premier voyage, en 1994. Sa réfection a été annoncée par l'Etat... pour 2010. Rendez-vous manqué. En cette année d'élection présidentielle (en mars 2011), le gouvernement et la Commune ont pensé que l'urgence se situait probablement ailleurs. Un pari politique mesuré, si l'on songe que la santé "à l'occidentale", telle qu'on la conçoit en France, comme priorité des priorités, est loin d'avoir pénétré les esprits ici. Ici, où l'on dépense sans compter pour offrir des funérailles dignes aux parents et amis.

La chambre d'hospitalisation.
Les fiches de suivi des malades sous traitement.










La salle de congélation des vaccins.
Le dépôt d'ordures du centre de soins.















Des toilettes brutes dans leur jus.
Des chiottes où sont jetés les emballages.















Il n'y a qu'à se servir.
La salle de soins, ouverte aux quatre vents.

dimanche 23 janvier 2011

Goupil, le défenseur des tortues marines




    Goupil est probablement le plus actif des défenseurs des tortues marines de Grand-Popo. Il en est même d'ailleurs un précurseur sur le golfe du Bénin, où les oeufs et la chair de ce reptile ovipare sont très courus. Grâce à ses soins et le détachement de vingt-deux éco-gardes patrouillant bénévolement sous la bannière de l'ONG Nature Tropicale, et, localement sous sa présidence, sur 7 km de littoral entre Grand-Popo et Ahi-Guennou, 12000 bébés tortues ont échappé à l'omelette en 2010, et dix-neuf mamans tortues à la marmite.
    Plus qu'un travail, un apostolat. Les tortues pondant nocturnement, Goupil a appris à organiser son sommeil autrement entre juin et fin mars. La danse de la lampe-torche du noctambule de la bonne-cause-des-tortues est devenue familière des rêves éveillés des insomniaques de Grand-Popo et des pêcheurs s'apprêtant à coup de demi de sodabi à affronter la mer. Une mission gratuite au sens premier, complètement bénévole, et terriblement risquée et source de conflits. Comment, en effet, faire prévaloir la primauté de la diversité faunistique sur les intérêts vitaux d'une population malnutrie, où les familles le plus souvent ne mangent qu'une seule fois par jour. Il a donc fallu apprendre à gérer ces situations.  La ponte pouvant compter jusqu'à une centaine d'oeufs, on comprend combien la découverte d'un nid peut constituer une aubaine de prospérité... au moins de quelques jours.

    
    La tortue verte pond entre 135 et 200 oeufs, deux fois par an. Son poids adulte atteint en moyenne 180 kg. Celle-ci a été recueillie il y a 11 mois par Goupil, qui la considère un peu comme son animal familier.
    
    Le gouvernement béninois s'est doté d'un arsenal réglementaire pour protéger les espèces menacées (tortues luth, tortues olivatres et tortues vertes), mais là, comme dans bien d'autres domaines, entre voter un texte et le faire appliquer, entre bonnes intentions et mise en oeuvre d'une politique, il y a un gouffre.  

    
    La fête du vaudou, le 10 janvier, était l'occasion de sensibiliser la population. Pour ce faire, le Fonds pour l'environnement mondial avait dépéché ses représentants locaux.
    


    
    



    vendredi 14 janvier 2011

    Retour sur le 10 janvier

    Au-delà de ses dimensions spirituelle et rituelle, la Fête du vaudou, le 10 janvier, est une fête identitaire et d'appartenance à une culture. Une fête familiale et villageoise, où l'on se rend aussi pour partager le repas sur la plage du 10 janvier. Elle rassemble des milliers de personnes.

     
    Où la convivialité est avant tout de mise, même si quelques débordements dûs à l'alcool sont inévitables.
     Victime de son succès et des difficultés logistiques croissantes qu'il entrainait pour un hameau dont la voie principale se termine en cul de sac en débouchant sur la plage, la Fête, primitivement organisée à Grand-Popo, à la sortie de Gbecon, se décline aujourd'hui, dans toutes les régions du Bénin. La place du 10 janvier m'a paru rarement rassemblé autant de monde que cette année. "Une belle fête", selon les autochtones.

    
    Où l'on déambule dans le plus bel appareil.


    Tout a commencé par la parade et l'installation des autorités morales et spirituelles, lovées dans leur écrin de femmes vaudousis parées dans leurs meilleurs atours. Puis ce fut les discours, interminables... sous la présidence du Grand chef international du vaudou, Guedengue 2, successeur du Grand Guedengue 1er, décédé en 2009. En présence des chefs vaudous des différents villages, dans l'apparat des grands jours.

     
    Le chef de Zogbedji, Tchabassi Amadossi.
    
    Le chef de Kita 2.
    Les vaudousi, des femmes initiées dans les couvents interdits à tout étranger.
    Le groupe de percussionnistes dévoué au vaudou Agboevi Agban
    Le chef du vaudou Agboevi Agban, roi des fétiches marins des Xwla (prononcer plat), c'est à dire des Popos, Ahouaugassi Hounjoulon Jézo, qui préside le vaudou des dix-sept villages de Grand-Popo.
     


    Mais les discours... ? Un tumulte de sermons fanatiques, prosélytiques et paranoaïques. Et danger de tous les dangers pour les villageois dont la pensée se noie dans les atavismes vaudous, son assimilation à une science. Vont encore les exhortations à se souvenir de l'héritage _ une richesse culturelle en soi _, mais humainement inacceptables et condamnables, les encouragements à se détourner de la médecine occidentale (quand on ne dispose pas de mieux...). La prévalence de certaines maladies au Bénin, aujourd'hui éradiquées en Occident, suffit à le démontrer. Comme la surmortalité relative à certaines affections, que la médecine guérit aujourd'hui pleinement.


     Les charges entendues au micro de la tribune du 10 janvier devant une foule ignorante d'enfants, d'adolescents et de parents pas toujours alphabétisés, étaient tout bonnement irresponsables. Extraits du discours du "docteur" Erick Gbodossou (notre photo) : "Avez-vous vu une voudounsi avoir la variole? Non... Pourquoi ? Parce qu'on met des poudres pour se protéger contre la variole... Avez-vous vu un vaudou mourir du sida ?... Jamais... Etre parricide ? Etre Pédéraste ? Pédophile ?... Jamais... Des tests de dépistage du sida ont été réalisés dans les temples du vaudou. Savez-vous combien de vaudous étaient positifs ?... Zérooooo... Le vaudou est une science... une science qui dispose d'énormes solutions pour répondre aux défis sanitaires... Les séances publiques de divination organisées au Sénégal ont démontré une très grande efficacité. Les religions révélées ont montré leurs limites. Le monde a besoin aujourd'hui d'autre chose que de religion..., mais de spiritualité... Si vous ne savez pas où vous allez, revenez-là d'où vous venez." 
    Un monstrueux embrouillamini braconné dans les tréfonds de la mémoire millénariste moyen-âgeuse européenne, par un médecin(?)-précheur, le dr Erick Gbodossou, président de Pro.me.tra (Promotion de la médecine traditionnelle). Une Organisation internationale ayant pour objectif de promouvoir les médecines traditionnelles, les religions anciennes et la spiritualité universelle.





    La médecine vaudou, médecine du pauvre ? A Gbecon ou Grand-Popo, on se soigne prioritairement avec des remèdes maison dont la connaissance se transmet de génération en génération. Quand la maladie ou la plaie résiste, on fait appel au tradi-thérapeute et en ultime ressort à la médecine occidentale. Une médecine occidentale d'ailleurs fort peu respecteuse du serment d'Hyppocrate. On ne soigne dans les hôpitaux que si le patient a les moyens de payer et allonge les billets avant toute prise en charge. Il arrive donc souvent que les accidentés en situation d'urgence vitale meurent sur leur brancard, abandonnés dans un couloir, parce que les parents n'ont pas été assez prompts pour rassembler l'argent préalable au premier geste de secours.
    A Gbecon, il n'y a pas d'infirmière. Le centre de soins de Grand Popo est une grande bâtisse vide sans moyens, ni matériels ni humains. Les personnes souffrantes de Gbecon font appel à un "infirmier" qui n'a pas même dépassé la classe de 6e, dont le vade-mecum pharmacologique se réduit à un seul remède : le sérum. Un sérum universel comme parade à tous les maux. Les familles subodorent son incompétence, mais la monnaie commande. Et on continue à faire appel à lui. Une personne qui fait ce qu'il peut... mais qui n'est pas infirmier, et qui est probablement responsable de nombreux décès. De dizaines de trépas inattendus. Chaque année, alors que je suis en France, j'apprend la mort soudaine de voisins, soit de maladie, soit accidentellement, qui ne présentaient pas de problèmes de santé particuliers. Et puis la maladie..., parfois la mort. Ainsi il y a deux ans d'un garçonnet de 5 ans, que les parents ont fait aller de féticheurs en guérisseurs pendant plusieurs mois...

    jeudi 13 janvier 2011

    Agbo Allomazegbekpon, le grand fétiche de Hévé

    Grand-Popo, centre névralgique du vaudou (vodoun). Il aurait pu naître là. A Gbecon, Hévé, ou n'importe quel autre village installé sur les rives du Mono. La chronique orale reprise par l'histoire officielle situe ses origines entre pays yoruba, et actuels Bénin (ex-Dahomey) et Togo.
    Si au Togo, ses manifestations se sont dissipées dans le néant de quarante ans de dictature de la famille Gnassingbé, aujourd'hui dans le sud-Bénin, il semble n'avoir jamais été aussi vivant. La "dévaudousation" menée sous la première époque "marxisante" de Kérékou (originaire du nord, où le vaudou est beaucoup moins implanté),  de 1972 à 1990 n'a pu déraciner la tradition. L'effet boomerang en quelque sorte, à l'image du regain de religiosité qui s'est manifestée en Pologne après quarante ans de déchristianisation stalinienne.
    La reconnaissance du vaudou comme religion officielle, au même titre que le christianisme et l'Islam, par Nicéphore Soglo (aujourd'hui maire de Cotonou), pendant sa présidence (1991-96), et la fixation du 10 janvier comme Grande fête du Vaudou au Bénin, lui a donné une assise solide. Un élan nouveau, qui semble chaque année, convaincre de nouveaux adeptes du côté de Grand Popo. Et bien que le terrain semble constitué un terreau extrêmement favorable aux autres religions et sectes, notamment d'inspiration chrétienne.
    Grand-Popo a donc célébré son 10 janvier, mardi. La place du 10 janvier, sur la plage de Gbecon, entre Mono et mer, où une tribune a été érigée il y a six ans, débordait de monde.

    A Hévé, rive gauche du Mono (en face de Gbecon), les célébrations avaient commencé tôt le matin, par les offrandes annuelles spéciales rendues au grand fétiche du village, celui qui couvre les autres dieux adorés par les clans et familles : Agbo Allomazegbekpon.

    
    
    Agbo Allomazegbekpon signifie "Jamais la main ne peut tenir une vie", en fon. Pour son 41e anniversaire, le grand féticheur (notre photo) l'a remercié de ses bienfaits, lui sacrifiant porc et chien. Comme tous les 10 janvier, et comme à chaque fois que le fétiche "exprime son envie de manger". Porc, chien, poulet, seuls ou ensemble, c'est selon, mais jamais de mouton. Le sang de mouton est proscrit : "C'est un animal faible". Et la chronique de Hévé dit qu'à chaque fois que le fétiche a été nourri par le sang du mouton, les vieilles querelles de famille se trouvaient ravivées.
                         
    Bien que modeste pêcheur, Lissassi Kokou, dit Akbono, a été élu grand féticheur de Hévé, par un collège national de féticheurs, qui siège dans la capitale, à Porto-Novo, pour son sens de la tolérance, sa foi et sa disponibilité à répondre aux besoins d'Agbo Allomazegbekpon. Une fonction qui lui vaut respect, vénération mais aussi crainte de la part de ses co-religionnaires.
    
    De nombreux hommes de Hévé ont fait leurs offrandes au grand fétiche, dans une demeure en principe secrète et inviolable pour toute personne du sexe féminin et tout non adepte. Un privilège d'y être entré.
    
    Impressionnante collection de cranes d'animaux.



    Après le temps du rite et du sacrifice, celui de la fête de masse, des officiels et de leurs discours, de la parade et de l'ivresse. Tout ce que le vaudou compte de reconnu dans le secteur de Grand Popo était là, les chefs vaudous et leur cour. Le roi de Casamance, au Sénégal, était invité d'honneur. Nous reviendrons demain sur les multiples aspects festifs de cette jounée du 10 janvier.


    Le roi Guedengue 2, la plus grande autorité temporelle du vaudou du monde. Un chef qui est apparu de santé fragilisée.


    samedi 8 janvier 2011

    Mami Wata, déesse des eaux


    Les adeptes de Mami Wata ont célébré leur déesse jeudi de la semaine dernière à Gbecon. Toutes les notabilités du rite vaudou (vodoun) de la région, entre Grand-Popo et Aneho, au Togo, étaient là.




    Cérémonie aux rites étranges, entre danses traditionelles - l'abaja -, procession, offrandes symboliques diverses (bouteilles de gin, fruits divers) jetées à la mer, prières incantatoires et pantomime sacrificiel : les mamissi font mine à tour de rôle de se jeter et se noyer dans la mer. Les jeunes hommes du village arrachent à la mer le corps sans vie, et le portent comme un trophée à hauteur d'épaule à sa dernière demeure.



    Le culte de Mami Wata est présent dans de nombreuses régions d'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale. Chez les Popos, la grande fête annuelle  (Epe-Ekpe) vouée à Mami Wata a lieu au Togo, dans la forêt sacrée d'Aneho, en septembre. C'est à la fois Jour du choix de la pierre sacrée, et jour de bénédiction des adeptes et nouveaux adeptes. Chez les popos, le culte a été assimilé par le vaudou.
    On fêtera lundi, 10 janvier, la grande fête annuelle du vaudou dans tout le Bénin.  

    vendredi 7 janvier 2011

    Repas de fête à Gbecon

    Funérailles et célébrations religieuses dominicales rythment la vie sociale du village, toute l'année. Les premières rassemblent en général plusieurs centaines de personnes, de la famille et du voisinage, qu'il faut restaurer et certaines héberger un, deux ou trois jours. Des sommes d'argent étonnamment élevées (dépassant le million de CFA) sont donc dépensées, on l'imagine. Les maigres économies des ménages ayant un revenu et capables d'apporter une contribution s'accomodent mal de ces fêtes dispendieuses. Pour les autres, complètement démunis, c'est l'occasion de manger et boire à l'oeil.

    
    Afin d'amortir le coût des évènements malheureux ou heureux de la vie (mariage, anniversaire, funérailles, baptème, remise de diplôme...), des Groupements d'aide sont apparus il y a plusieurs années, avec statut associatif..., avec bureau, président, trésorier, responsable de la logistique, et assemblée générale en fin d'exercice. Ainsi du Groupement Bidossessi, à Hèvé et Gbecon, fondé en 2003. Leur aide est modeste mais constitue un appoint apprécié.
     
    A chaque Groupement, son costume. Comme un signe d'appartenance. Bidossessi a apporté, récemment, son soutien à l'une de ses membres en deuil. Soutien matériel, mais aussi soutien dans l'animation de la fête.
    

    Bidossessi : "Tout est dans la main du destin" en langue fon. Tout le fatalisme africain résumé dans Bidossessi. On ne peut inverser la course des évènements, seulement les infléchir un peu.

    
    On mange ensemble, on danse ensemble. Un cercle fermé, à quelques exceptions près.
     N'adhère pas qui veut à un Groupement. Avant que le groupe ne consente à l'adhésion d'un candidat, contact est noué avec sa famille (père, frère...). Une façon de se garantir contre des engagements qui ne seraient pas tenus, ou contre des cotisations impayées. La permission de l'époux est exigée pour les femmes. Autres conditions d'entrée : payer bouteilles de gin et de sodabi au groupe, et verser 5.000 F
    
         
    Leur inévitable serviette autour du cou (autre signe d'appartenance : celui du groupe ethnique popo), les hommes font leur parade autour de la jeune femme endeuillée. 
    


    Fête encore : mais là beaucoup plus occidentale. Celle du Nouvel an. A Gbecon, les femmes du quartier Iehouessi se sont unies pour préparer un repas digne de ce nom.




    
    Une pâte de maïs bien chaude, trop chaude, attention aux doigts, et un crin-crin qui donne une sauce un peu gluante... c'est le plat de fête préféré des Popos.





    Et puis Noël. Les sapins de Noël en plastique avec guirlande ont fait leur apparition sur les marchés, y compris dans les villes moyennes, comme Comé. On est loin de la débauche consumériste occidentale, mais, enfin, Noël possède la même magie sous les tropiques. La neige en moins.