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mardi 25 janvier 2011

L'hôpital fantôme de Grand-Popo

Un hôpital désert toutes portes ouvertes à l'harmattan. Avec pour toute présence humaine, jeudi dernier, une jeune fille japonaise, bien sagement assise et en prise avec un roman d'épouvante. C'est l'hiver béninois, avec sa petite rosée et son brouillard matinal. Le jeudi, comme les mardis et mercredis, le personnel soignant et para-médical (infirmiers, sage-femmes, aide-soignants, etc) est en grève.



Le conflit dure depuis deux ans, et est reconduit chaque semaine, depuis le 9 novembre 2010. Une grève très suivie, trois jours de la semaine et sans service minimum.
Le gouvernement n'est pas sorti d'affaire. La loi béninoise prévoit, en effet, le paiement des jours non travaillés des agents du service public grévistes. Le précédent conflit social avec les enseignants avait empoisonné le dernier mandat présidentiel de Kérékou, durant plusieurs années, et sans parvenir à se solutionner. De guerre lasse, le gouvernement de Bony Yayi a débloqué 10 milliards d'euros en 2010, et remis les profs dans les classes grâce à de significatives hausses de traitements. De l'ordre de 50 à 80 %.

Le conflit des hospitaliers part d'une prime de 6.000 CFA par mois versée depuis toujours égalitairement, et réévaluée à 100.000 CFA pour les seuls médecins. Une mesure que les syndicats des para-médicaux, très puissants au Bénin, jugent inacceptable. Là, rien d'offusquant, si l'on excepte l'absurde rémunération des heures non travaillées, "inscrites dans la constitution", m'a expliqué le représentant du personnel sanitaire des centres de santé périphériques de Grand-Popo.
Le plus étonnant, dans toute cette affaire, est bien de constater finalement que la vie pèse moins lourd que les intérêts des personnels. Comme l'illustre l'état d'abandon de l'établissement de santé de Grand-Popo. Comme une grosse barque à la dérive. J'ai découvert le centre, jeudi matin, livré à lui-même, dans un état déplorable, sans le moindre gardiennage, toutes portes ouvertes, y compris la salle où sont congelés les vaccins. Les fiches des patients suivis régulièrement étaient restées en plan dans leurs boîtes, plantées là sans le moindre soin.

La salle de soins principale, aux murs décrépis, et son maigre mobilier.

Le hall où les fiches des patients dans leur boîte n'ont pas été rangées.
A se demander si le médecin-chef, le seul médecin du centre de soins principal mais également de toute la commune de Grand-Popo, où la population dépasse 40.000 habitants, n'est pas lui-même une sorte de fantôme. L'aspect intérieur et extérieur des bâtiments, de la cour, des toilettes, des salles de soins et de la maternité témoigne d'une déficience flagrante et irresponsable en terme d'entretien.
Et pourtant, le dispensaire n'a que 15 ans. Il n'était pas encore sorti de terre lors de mon premier voyage, en 1994. Sa réfection a été annoncée par l'Etat... pour 2010. Rendez-vous manqué. En cette année d'élection présidentielle (en mars 2011), le gouvernement et la Commune ont pensé que l'urgence se situait probablement ailleurs. Un pari politique mesuré, si l'on songe que la santé "à l'occidentale", telle qu'on la conçoit en France, comme priorité des priorités, est loin d'avoir pénétré les esprits ici. Ici, où l'on dépense sans compter pour offrir des funérailles dignes aux parents et amis.

La chambre d'hospitalisation.
Les fiches de suivi des malades sous traitement.










La salle de congélation des vaccins.
Le dépôt d'ordures du centre de soins.















Des toilettes brutes dans leur jus.
Des chiottes où sont jetés les emballages.















Il n'y a qu'à se servir.
La salle de soins, ouverte aux quatre vents.

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